Dissémination végétale
En se disséminant, les Angiospermes...
perdraient-ils, pour survivre, les contraintes de leur vie fixée imposée par leurs racines ?Bien que très aléatoires et aussi divers que le sont les végétaux, c'est ce que laisseraient penser les modes nombreux (passifs ou actifs) de dissémination de leurs diaspores, que ce soit à courte ou longue distance.
Cependant, sans une dispersion dans l'espace avant et une dissémination après leur reproduction, comment la plupart des espèces végétales pourraient-elles se perpétuer dans le temps ?
Les botanistes nomment les modes de dissémination des fruits et des graines et parfois la dispersion des grains de pollen (ce qui est, semble-t-il désormais, une erreur) avec un suffixe :
-chorie,
forgé grâce à un verbe grec ancien χωρεῖν (khôrein) signifiant disséminer ou "flâner, vagabonder, s'éloigner" (selon le terme anglais "to wander" de Leendert van der Pijl (1903-1990) qui, lui, avait conservé le suffixe -philie en ce qui concerne la dispersion du pollen, contrairement à Maurice Reille qui considère qu'il vaut mieux l'éviter et proscrire le mot entomogamie).
Une discipline scientifique, portant le nom de chorologie dont l'étymologie serait différente et proviendrait du grec χῶρος (khōros) avec pour sens : "endroit, espace", étudie la dispersion/dissémination et la répartition des espèces végétales. Cette étude, à la fois historique, géographique et écologique, suppose la connaissance de la flore antérieure à celle observée.
La dissémination des végétaux est très hétérogène et peut même présenter des formes polyvalentes chez certaines plantes, comme par exemple Impatiens glandulifera qui sait jongler avec les avantages et les inconvénients que présente chacun des modes possibles pour sa dispersion.
Et c'est ainsi que bien des botanistes, ayant sans doute étudié le grec, ont forgé une longue liste de mots (plus longue encore que la liste ci-dessous qui n'est pas exhaustive) pour qualifier les plantes, leurs fruits et leurs graines (et donc parfois leur pollen) sous l'angle de leur dispersion :
Agochores
anémochores
anthropochores
atéléchore
autochores
Barochores
Chamaechores
chiroptérochores
Dyszoochores
Endozoochores
entomochores
épizoochores
ériochores
éthélochores
Hémérochores
hydrochores
Myrmécochores
Nautochores
Ombrohydrochores
ornithochores
Polémochores
pyrochores
Saurochores
speirochores
synzoochores
Téléchores
Zoochores
Dissémination par un végétal lui-même | |
Atéléchorie | |
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Du grec τῆλε (tễle) = loin, précédé du préfixe grec de privation ἀ- (a-), d'où = pas loin Est atéléchore une plante qui ne peut se disséminer qu'à proximité d'elle-même, comme par exemple : Cymbalaria muralis. |
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Autochorie | |
Du grec ancien αὐτός (autós) = soi-même Une plante autochore dissémine ses graines par un mécanisme interne de propulsion au moment de l'ouverture de ses fruits, mais la plupart du temps par des mécanismes physiques siégeant dans des cellules mortes, comme c'est le cas dans la déhiscence des gousses et des siliques. Parfois ce mécanisme engendre même la plantation des graines comme dans le cas d'Erodium cicutarium. |
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Dissémination par des agents naturels | |
Anémochorie | |
Du grec άνεμος (anemos) = le vent Transport par le vent des graines en fine poussière de toutes les Orchidacées ou des disamares d'Acer platanoides qui sont donc anémochores, tout comme les graines contenues dans les capsules parvenues à maturité et secouées par le vent de Papaver dubium. Selon les organes utilisés par le végétal pour ralentir la chute de ses graines, de savants botanistes ont subdivisé l'anémochorie en cystométéorochorie, trichométéorochorie, ptérométéorochorie, boléochorie ou chamaechorie lorsque les diaspores roulent sur le sol poussées par le vent, soit parcequ'il s'agit de fruits gonflés d'air (Colutea arborescens), de fruits renfermés dans un calice tomenteux (Anthyllis vulneraria) ou d'inflorescences complètes sèches aux graines soudées (synaptospermie d'Eryngium campestre). Remarque : le transport par le vent du pollen des Graminées ou de celui de la plupart des arbres (une "longue marche" plutôt aéroportée) porte les noms d'anémogamie ou d'anémophilie et parfois celui d'anémochorie. |
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Barochorie | |
Du grec βάρος (baros) = pesanteur Dissémination sous l'effet de la gravité. Par ex., les graines d'Oxalys acetosella ou de Cercis silicastrum sont barochores. |
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Hydrochorie | |
Du grec ὕδωρ (hudôr) = eau Disséminé par l'eau fluviale Sparganium emersum est hydrochore. Mais les plantes peuvent également utiliser
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Pyrochorie | |
Du grec ancien πῦρ (pyro) = le feu Dissémination des semences grâce au feu, comme dans le cas des graines du pin d'Alep qui ouvre brutalement les écailles de ses cônes sous l'effet de la chaleur. |
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Téléchorie | |
Du grec τῆλε (tễle) = loin Se dit des fruits et graines transportés par des facteurs abiotiques : le vent, la gravité, l'eau, le feu ou bien, passivement ou activement, par des agents vivants (biotiques) de dissémination, à des distances parfois considérables. Si vous comprenez l'espagnol, cf. Cuadernos de viaje. De cómo se mueven las semillas. |
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Dissémination par les humains ou en raison de leurs activités | |
Agochorie | |
Du grec ἄγω (ago) = entraîner Est agochore un végétal disséminé involontairement par les humains, généralement par les transports, et donc les voies de communication, comme par exemple : Senecio inaequidens même si initialement c'était une plante ériochore. |
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Anthropochorie | |
Du grec ancien ἄνθρωπος (anthrôpos) = être humain Le transport est réalisé par l'homme soit à son insu chez certaines plantes anthropophiles comme, par exemple, Parietaria judaica, soit volontairement comme dans le cas du pollen des fleurs de vanille en dehors de leur aire d'origine. Cf. Les introductions de plantes non indigènes dans l'environnement naturel de J. Lambinon, Council of Europe, 1997 - 28 pages |
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Épizoochorie | |
Préfixe grec ἐπί (epí) = sur suivi du mot zoochorie Qualifie une plante dont la dispersion des fruits ou des graines (munis de crochets comme dans le cas de la bardane) est assurée par les humains grâce aux fibres de leurs vêtements ou les semelles de leurs chaussures, mais également et surtout par les animaux. |
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Éthélochorie | |
Du grec ἐθέλω (éthélo) = vouloir Sont éthélochores les plantes introduites volontairement par semis dans un nouvel habitat en raison de leurs qualités alimentaires, industrielles, ornementales ou autres. Par exemple : Rhus typhina. |
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Hémérochorie | |
Du grec ἥμερος (hemeros) = apprivoisé, cultivé Une plante est dite hémérochore lorsqu'elle se dissémine en raison de pratiques culturales provoquant des changements d'environnement qui lui sont favorables. La renouée du Japon pourrait en être un exemple. |
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Polémochorie | |
Du grec πόλεμος (pólemos) = la guerre Un exemple de plante polémochore qui, selon Pline l'Ancien, fut introduite en Grèce par les Perses lors des guerres médiques au Ve siècle avant notre ère : Medicago sativa. Et plus près de nous, parmi 93 espèces introduites lors de la Première Guerre mondiale, Ambrosia artemisifolia, via des importations de chevaux accompagnés de leur fourrage en provenance de Pennsylvanie et destinés à l’armée française. |
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Spéirochorie | |
Du grec σπείρω (speiro) = disséminer Une plante est dite spéirochore lorsqu'elle est disséminée grâce à la culture d'une autre plante, sous forme d'impuretés dans les semences, comme ce fut le cas avec coquelicots, bleuets et matricaires. |
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Dissémination par les animaux | |
Zoochorie | |
Du grec ζῶον (zôon)= être vivant, animal Dissémination par les animaux en général (humains compris dans certains cas non alimentaires), soit à leur insu, soit attirés par les végétaux grâce à des signaux attractifs, visuels et chimiques très divers dont les COV (composés organiques volatils, VOC en anglais). |
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Chiroptérochorie | |
Deux mots grecs : χείρ (kheír) et πτερόν (pterón) = main et aile En Guyane les chauves-souris disséminent les graines des Hypericaceae du genre Visnia dont elles mangent les fruits. En France, les chauves-souris sont actives de mars à octobre, ce qui correspond à la période d’activité des insectes dont elles se nourrissent. Disséminent-elles les graines de certaines des plantes qu'elles visitent pour manger les insectes ? Personnellement nous n'en savons rien. |
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Dyszoochorie | |
Préfixe grec δυσ- (dys-) = mauvais, difficile Fruits ou graines qui sont disséminés par des animaux qui les cachent pour les consommer, mais qui en oublient un certain nombre ou meurent avant de les avoir mangés. Ex. Les noisettes de Corylus avellana ou les faînes de Fagus sylvatica. |
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Endozoochorie | |
Du grec ancien ἔνδον (éndon) = dans, suivi du mot zoochorie Les mûres, du genre Rubus, avalées par les chevreuils et les renards puis rejetées après un transit digestif, sont un bel exemple d'espèces endozoochores, de même que l'espèce sauvage du pommier Malus sylvestris. |
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Entomochorie | |
Mot calqué sur entomologie (la science des insectes) Dissémination par des insectes autres que les fourmis, comme Setaria verticillata par un scarabée poilu, la trichie fasciée. |
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Épizoochorie | |
Préfixe grec ἐπί (epí) = sur suivi du mot zoochorie Qualifie une plante dont la dispersion des fruits ou des graines (munis de crochets comme dans le cas de l'aigremoine eupatoire) est assurée par les animaux (humains compris) grâce à leur plumage ou leur pelage. |
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Ériochorie | |
Du grec ancien ἔριον (érion) = laine Est ériochore une plante disséminée par la laine des moutons, sans pour autant être invasive. |
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Myrmécochorie | |
Du grec μύρμηξ (myrmix) = fourmi Dispersion des graines due aux fourmis. Quatre exemples parmi les 4 000 espèces possibles dans le Monde et plusieurs d'entre elles en France, dont : Cirsium acaulon, Fumaria officinalis, Galanthus nivalis, Scilla bifolia. Comme l'écrivaient déjà en 1987 Andrew Bennet et John Krebs : Les fourmis ont un rôle important dans la migration des plantes myrmécochores mais aussi dans la protection de leurs graines contre les prédateurs, contre les intempéries, en les enterrant dans des microsites favorables, ainsi que dans le succès de leur germination mais elles aussi sont en voie de régression (comme la fourmi rousse des bois) sinon de disparition ! |
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Ornithochorie | |
Du grec ancien ὄρνιθος (órnithos) = oiseau Dissémination par des oiseaux comme la fauvette à tête noire qui dissémine le gui ou le gros bec casse-noyaux, entre autres. |
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Saurochorie | |
Du grec ancien σαῦρος (saûros) = lézard Dissémination par les lézards, comme ce petit lacertidé des îles Canaries Gallotia galloti (Oudart, 1839) présentant sur chacune des îles une sous-espèce particulière et deux sur l'île de Tenerife, dont voici Gallotia galloti eisentrauti. |
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Synzoochorie | |
Du grec ancien σύν (sún) = avec, ensemble Dissémination, plus ou moins lointaine, d'un porteur de graines, par transport dans sa bouche ou ses abajoues, tel un écureil, par exemple, qui pourra ne pas manger toutes les graines ainsi transportées. |