Carex (Laîches)
Un genre de la famille des Cyperaceae
Avec ici un découpage en sous-genres certes périmés (en raison des progrès de la Systématique... sans pour autant empêcher leur reconnaissance) :
Ce découpage n'empêche pas la reconnaissance sur le terrain et il sera revu avec la sous-famille des Cyperoideae et la tribu des Cariceae.
Certains carex ont une particularité, celle de se développer sur une sorte de tour de paille appelée "touradon" progressivement constituée, au long des années, par les anciennes feuilles desséchées et jaunies qui s'élèvent ainsi au-dessus du niveau des eaux…
Marais de la vallée du Branlin, 12 avril 2014
(Les touradons s'y nommaient "têtes de femmes")
Ces touradons sont comme des paillages, sortes de tissages très résistants dans lesquels une fourche ne s'enfonce pas et qui peuvent nécessiter un tracteur pour être arrachés…
Ils sont caractéristiques des marais et notamment des zones de tourbière.
Ce mot, ayant pour origine le bas-latin lisca ou le pré-roman liska, longtemps écrit Laîches, a perdu son accent circonflexe en 1990 mais... « Les personnes qui ont déjà la maîtrise de l'orthographe ancienne pourront, naturellement, ne pas suivre cette nouvelle norme. », dixit
Pour ce genre compliqué voir G. Kükenthal qui, en 1909, a classé les Carex en fonction de l'organisation de leurs inflorescences et les a divisés en quatre sous-genres : Primocarex, Eucarex, Vignea et Indocarex, ainsi que G. Duhamel et A. A. Reznicek dans un article datant de 1990.
Sous-genre des PRIMOCAREX
Carex bohemica Schreb. Laîche de Bohême, laîche souchet, laîche voyageuse |
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Sous-genre des EUCAREX
D'aspects différents, ces carex sont dits hétérostachyés : du grec έτερος (heteros), autre, et de σταχυς (stachus), épi.
Les fleurs mâles n'ont bien sûr pas d'utricule et les fleurs femelles ont 3 stigmates.
Carex acutiformis Ehrh. Fausse laiche aiguë, laiche des marais |
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Carex alba Scop. Laiche blanche |
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Carex caryophyllea Latourr. Laiche printannière, laiche de printemps |
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Carex digitata L. Laiche digitée |
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Carex flacca Schreb. subsp. flacca Laiche glauque |
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Carex halleriana Asso Laiche de Haller |
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Carex hirta L. Laiche hérissée, laiche velue |
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Carex pallescens L. Laiche pâle |
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Carex pendula Huds. Laiche à épis pendants |
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Carex pilulifera L. Laiche pilulifère, laiche à boulettes |
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Carex sylvatica Huds. Laiche des bois, laiche des forêts |
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Carex tomentosa L. Laiche à utricule tomenteux, laiche à fruits poilus |
Sous-genre des VIGNEA
Carex divulsa Stokes Laiche écartée, laiche à épillets |
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Carex leporina L. Laiche patte de lièvre, laiche des lièvres |
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Carex otrubae Podp. Laiche cuivrée |
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Carex spicata Huds. Laiche en épis, laiche de hérisson |
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Carex vulpina L. Laiche des renards, laiche queue de renard |
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Voici donc quelques Carex parmi la ciquantaine ou plus poussant dans l'Yonne.
Contrairement à la vieille définition longtemps reprise, depuis 1552, du Dictionarium latinogallicum de Robert Estienne :
ces Monocotylédones colonisent les milieux les plus divers et pas seulement humides.
Les Carex appartiennent à la famille des Cypéracées et à l'ordre des Poales (le même que celui des Graminées, mais également des Juncacées, des Sparganiacées, des Typhacées).
Leur appareil végétatif, leurs feuilles étroites de même que leurs fleurs discrètes (avec un périanthe sépaloïde ou réduit) les ont souvent faits considérer comme ressemblant à des Graminées alors qu'ils ressemblent davantage aux Juncacées, mais leurs inflorescences sont constituées différemment et c'est ce qui a permis de distinguer tout à fait artificiellement des sous-genres que le botaniste bourguignon F. Bugnon nommait des "groupes", sous-genres qui dépendent de la combinaison des fleurs dans les panicules qui ressemblent à des épis :
- 2 sous-genres principaux, présents dans l'Yonne :
- les Eucarex, dont les épis sont plus gros et plus allongés que ceux des Vignea. Ils sont unisexués et prennent un aspect différent selon le sexe ;
- les Vignea aux épis bisexués (ou androgynes ou encore gynandres) et relativement petits ;
- 3e sous-genre, les Psyllophora (=subg. Primocarex). Il n'est représenté que par une espèce (rare) dans l'ouest de la France, 2 espèces en France et sauf erreur, aucune espèce dans l'Yonne. Leurs fleurs s'insèrent directement sur la tige en épi unique généralement sans bractées ;
- un 4e sous-genre, les Vigneastra (=subg. Indocarex), est présent dans le sud-est de la France.
Pour reconnaître les Carex il faut observer plusieurs de leurs organes :
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Leurs fleurs.
Disposées tout autour de la tige, leurs fleurs forment un ou plusieurs épis parfois différent s'il est mâle ou s'il est femelle comme dans les Eucarex, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il est, comme chez les Vignea,
androgyne ou gynandre
Une bractée se trouve à la base des épis floraux dont la longueur, la forme et la disposition sont à observer.
Les fleurs des Carex n'ont ni pétales ni sépales mais une écaille, souvent nommée glume, qui recouvre les étamines des fleurs mâles ou qui est appliquée contre l'utricule chez les fleurs femelle.
Les filets des étamines des fleurs mâles, au nombre de trois, persistent même après la chute des anthères, ce qui permet de ne pas les confondre avec
les fleurs femelles qui, elles, ont un utricule contenant l'ovaire qui se prolonge par les styles qui portent deux ou trois stigmates selon les espèces, ce qui conditionnera la forme des akènes qui ne seront trigones qu'avec trois stigmates et lenticulaires si la fleur n'a que deux stigmates.
Leurs écailles et leurs utricules... Leurs akènes.
Ces organes ne doivent pas être ignorés. Pour une détermination, ce sont mêmes eux les plus importants : leurs formes, leurs textures, leurs couleurs et le moment de leur formation sont plus importants qu'une date de floraison.
Leur gaine.
Interrompue à la naissance d'une feuille, une gaine entoure leur tige toujours pleine, souvent trigone. Chez les Eucarex elle peut présenter un prophyllum.
Leur tige aérienne pleine.
Cette tige, à section triangulaire, peut être lisse ou scabre. Elle peut présenter des glandes, des fibres ou des poils mais elle est dépourvue de noeuds.
Leurs feuilles.
Souvent coupantes car riches en silice (d'où leur peu d'appétence pour les herbivores), leurs feuilles peuvent être : raides ou molles, velues ou lisses, plates, ou pliées ou dépliées en fonction de la pluie et du soleil...
Leur tige souterraine ou rhizome.
C'est grâce à ce rhizome que les Carex sont tous vivaces. Ce rhizome (non-chlorophillien) est :
- soit court et le Carex pousse en touffe et même en touradon. Vous aurez alors affaire à une espèce dite cespiteuse ;
- soit long et vous le suivrez à la trace : son espèce, traçante, sera dite rhizomateuse.
Durant la Préhistoire, les laiches faisaient partie de la ration alimentaire de nos ancêtres du Miocène. Au Néolithique elles sont devenues matière première pour la fabrication de cordelettes.
La végétation icaunaise a une histoire et comme les influences naturelles sont les plus anciennes et les plus nombreuses dans la formation des noms de lieux, pourrait-on assimiler la toponymie des Lichères (Lescheriae) aux laiches qui furent également, à l'époque médiévale, des lieux où poussaient les Carex, c'est-à-dire des cariçaies ?
Lichères-la-Vaucelle devenue Lichères-près-Aigremont et Lichères-près-Vézelay devenue Lichères-sur-Yonne sont-ils deux villages nés de l'exploitation des Carex par l'abbaye qui possédait leurs terres ?