Botanistes célèbres
plus que d'autres

Michel Adanson, Arthur John Cronquist, Charles Robert Darwin, Augustin Pyramus de Candolle, Antoine Laurent de Jussieu, Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet de Lamarck, Carl von Linné, Juan Ignacio Molina, John Ray, Robert Brown, Joseph Pitton de Tournefort, Benoît de Maillet, Alfred Russel Wallace.

L.

 Carl von LINNÉ (1707-1778)

Il songeait à former des Naturalistes, plus qu'à amuser des Amateurs.
Condorcet, in Éloge de M. de Linné,
membre associé-étranger de l'Académie royale des Sciences de Paris
de 1762 à1778.


l'année du tricentenaire de sa naissance.

Même si, comme Alphonse de Candolle dans la préface de son Origine des plantes cultivées datant de 1882, on peut penser

il n'en demeure pas moins que Linné, ce naturaliste suédois né dans le Sud de la Suède, à Råshult, avait une mémoire prodigieuse anéantie peu de temps avant sa mort par une attaque cérébrale... mais c'est sans doute parce qu'il connaissait par coeur les textes des naturalistes antiques, que ce soit Théophraste (vers 371-287 av. J.-C.) ou Dioscoride (vers 40-90) ainsi sans doute que les ouvrages des botanistes cités ci-dessus, qu'il a pu donner un nom latin à tant de végétaux et d'animaux, gros ou petits (comme Tunga penetrans) et concevoir leur classement. Il avait été soutenu par le gouvernement de son pays dans ses efforts vains d'introduction et de culture en Suède de produits tels que l'opium (qui, de son temps, n'était considéré et utilisé que comme un stimulant ordinaire), le thé et le coton qui ne poussèrent pas plus que les graines de Zizania sp. que lui avait adressées le jardinier du Trianon, Louis-Claude Marie Richard.

Paraphrasant Juvénal dont il avait dû lire les Satires, ce Chevalier de L'Ordre Royal de l'Étoile Polaire avait une devise sans doute lucide : Laudatur et alget (on le loue et pourtant il grelotte).

Plutôt que d'avoir cherché des étymologies compliquées, un grand nombre des noms qu'il a donnés aux plantes se retrouvent dans les ouvrages de deux auteurs déjà cités plus haut : Théophraste (372-287 av. J.-C.) et Pedanius Dioscoride (vers 40-90 après J.-C.) qui, lui, distinguait cinq groupes de plantes : les plantes alimentaires, médicinales, aromatiques, vineuses et vénéneuses (dans une classification à la dimension utilitaire) et dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien (cf. Historia plantarum et vires ex dioscoride).

Entre 1735 et 1738, Linné séjourne dans les Provinces Unies où il obtient son doctorat en Médecine à l'Université de Harderwijk, tandis que l'Hortus Botanicus Leiden et le jardin d'Hartekamp (appartenant à son protecteur : George Clifford) lui permettent, sans aller en Extrême-Orient ni en Amérique, de trouver l’ensemble des plantes de la planète et de les décrire, notamment dans son Hortus Cliffortianus.

Médecin, il se préoccupait de la santé et s'intéressait à la façon dont les agriculteurs pourraient obtenir de meilleures récoltes pour éviter les famines.

Professeur de pharmacognosie (materia medica), c'est en tant que tels qu'il a étudié le café et ses effets secondaires pas tous bénéfiques, et qu'il en a popularisé la connaissance, notamment dans l'Almanach d'Olof Hjorter dont voici, datant de 1747, une illustration amusante (sur un des effets du café : l'insomnie) de la part de quelqu'un qui devait sans doute travailler plus de quinze heures par jour :

Il n'a voyagé qu'en Laponie (durant l'été 1732, alors qu'il était encore étudiant et son journal de voyage a été célébré comme un travail de terrain scientifique et ethnographique moderne et pionnier). Par la suite il a envoyé de par le Monde de nombreux disciples qu'il nommait ses "apôtres".

En 1735, Linné est le premier à avoir intégré l'Homme dans le règne animal dans la première édition de son Systema Naturae qui ne comprenait alors que 11 pages et qui divisait la Nature en trois règnes : minéral, végétal et animal. La dernière édition qu'il a dirigée, de 1766 à 1768, avait 2 400 pages. On peut lire en ligne son édition de 1758 et une traduction en français publiée en 1793.

Il passe pour avoir retourné l'échelle thermométrique centésimale d'Anders Celsius (même s'il est plus problable que ce soit Daniel Ekström, le fabricant de ses thermomètres, qui soit à l'origine du 0° au lieu de 100° pour le point de congélation et du 100° au lieu de 0° pour le point d'ébullition).


© Linné on line, Uppsala Universitet, Suède

Linné étant considéré comme le fondateur de la systématique moderne, une date a été attribuée conventionnellement à la publication de son ouvrage SPECIES PLANTARUM afin qu'elle soit le "point de départ de la nomenclature linnéenne" qui est binominale (genre, espèces) et ne tient pas compte des familles, ce que fait Jussieu dans son Genera plantarum publié le 4 août 1789, date prise en compte pour les noms des taxons supra-génériques.
Il s'agit du

1er mai 1753

car à cette date, Linné avait déjà décrit, dans son latin à lui, environ 10 000 plantes à fleurs.
Aucun nom de genre ou d'espèce de plante publié avant cette date, même un binôme, n'est désormais considéré comme valable.
Mais par contre les noms des mousses -Sphagnaceae exceptées- ont eux comme point de départ le 1er janvier 1801, date de la publication posthume du Species muscorum frondosorum de Johannes Hedwig) : voir l'article 13.1.(b) du Code de Shenzhen.

Parfois, vous trouverez dans le présent herbier d'autres dates que cette année 1753 pour des noms de plantes nommées par Linné car il a en effet nommé ou re-nommé certaines plantes dans des ouvrages postérieurs à la première édition de son Species plantarum.
Par exemple :

  • en 1755 dans la 1ère partie de
    - Centuria Plantarum ou dans sa
    - Flora svecica
  • en 1756 dans
    - Flora Palaestina, un ouvrage écrit grâce aux collectes d'un de ses anciens élèves, Frederic Hasselquist (1722-1752), mort d'ailleurs à Smyrne (aujourd'hui İzmir, en Turquie) au cours de son exploration naturaliste
  • en 1759 dans le 4e volume de
    - Amoenitates Academicae ; seu Dissertationes variae Physicae, Medicae, Botanicae, antehac seorsim editae, nunc collectae et auctae cum tabulis aenaeis
  • en 1762-1763 : 2e édition de Species Plantarum
  • en 1767 et 1771 dans Mantissa plantarum, ses petits addenda.

Le Systema Naturae que Linné publie en 1735 divisait, d'une façon artificielle et fixiste, les végétaux en 24 classes :

  • 11 classes selon le nombre d'étamines contenues dans l'androcée de leurs fleurs (de la classe I à la classe XI)
  •  9 classes selon la disposition et la taille des étamines (de la classe XII à la classe XX)
  •  3 classes selon la répartition des sexes entre les fleurs (de la classe XXI à la classe XXIII), et
  •  1 classe supplémentaire de CRYPTOGAMES pour les végétaux "quorum fructificationes oculis nostris se subtrahunt" (dont les fructifications se soustraient à nos yeux), c'est-à-dire sans fleurs, classe qu'il divise en 4 ordres : les fougères, les mousses, les algues et les champignons.

Au XXIe siècle, même s'il est certain que sa classification artificielle n'a plus cours, elle nous permet, sinon de classer les fleurs, du moins de découvrir leur androcée....

De I à XXIII : Nuptiae Publicae
I Monandrie 1 étamine XIII Polyandrie plus de 12 étamines,
unies au réceptacle
II Diandrie 2 étamines XIV Didynamie 4 étamines dont 2 longues
III Triandrie 3 étamines XV Tétradynamie étamines inégales dont 4 longues
IV Tétrandrie 4 étamines XVI Monadelphie étamines toutes unies
V Pentandrie 5 étamines XVII Diadelphie étamines assemblées en 2 groupes
VI Hexandrie 6 étamines XVIII Polyadelphie étamines multiples (comprenant :
Pentandria, Icosandria, Polyandria)
VII Heptandrie 7 étamines XIX Syngénésie étamines à anthères unies
VIII Octandrie 8 étamines XX Gynandrie étamines unies au pistil
IX Ennéandrie 9 étamines XXI Monoécie fleurs unisexuées
X Décandrie 10 étamines XXII Dioécie fleurs hermaphrodites
XI Dodécandrie 12 étamines XXIII Polygamie fleurs unisexuées et
hermaphrodites juxtaposées
XII Icosandrie plus de 12 étamines,
unies au calice
XXIV Cryptogamie aucune fleur
Nuptiae Clandestinae

 
 

Et leur gynécée (c'est-à-dire leur pistil) qu'il mentionne, d'une façon un peu compliquée, à la page 840 du volume II de son Systema Naturae : Per Regna Tria Naturae, Secundum Classes, Ordines, Genera, Species, Cum Characteribus, Differentiis, Synonymis, Locis., paru en 1759 et traduite avec peu d'enthousiasme par les botanistes français du XVIIIe siècle, mais traduite malgré tout, surtout en province (à Montpellier et à Lyon, notamment).

...et d'être, comme Edvard Koinberg, "frappé par ses intuitions et par son langage poétique" tout en considérant Linné comme étant "décidément moderne" avec son Calendarium florae paru en 1756.

Peu soucieux de la morphologie des plantes et confondant souvent leurs organes aussi bien souterrains qu'aériens, Linné s'est par contre intéressé aux mouvements de leurs pétales. Au chapitre IX Adumbrationes (Ébauches), page 274 de son ouvrage Philosophia botanica il émet une idée originale :

celle d'un "horologium Florae".

Une horloge florale réglée sur l'ouverture, l'épanouissement et la fermeture des pétales de certaines fleurs qu'il qualifiait d'aequinoctiales.
Cette horloge lui donnait, paraît-il, l'heure à une demi-heure près.
Elle a inspiré le compositeur Jean Françaix pour son Horloge de Flore mais avec, curieusement, pour l'heure de midi, une Oleaceae, le nictanthe du Malabar, Nyctanthes sambac, dont la floraison est nocturne et dont le nom actuel est Jasminum sambac (L.) Aiton, 1789.

Linné attribue un nom différent à trois groupes de fleurs (en latin le mot flos est du genre masculin d'où les adjectifs ci-dessous terminés en -i et en -es) selon les conditions de leur ouverture ou fermeture :

  • Meteorici - les fleurs qui subissent l'influence des conditions météorologiques.
  • Tropici - celles qui sont sous l'influence de la longueur des jours.
  • Aequinoctiales - celles qui s'ouvrent et se ferment à heure fixe, quel que soit le temps qu'il fait.


© Entomology Lantern Slide Collection

C'est également dans sa Philosophia botanica qu'il classe (c'est vraiment chez lui une habitude) les odeurs, mais ce classement concerne plutôt le médecin tandis que le botaniste, qu'il était également, considère qu'odor speciem nunquam clare distinguit (l'odeur ne distingue jamais clairement une espèce). :

Finalement cette Philosophia botanica reprend ou compile l’ensemble des principes que Linné avait développés dans ses ouvrages précédents et lui permet de diffuser sa science.

Le Franc-Comtois Jean-Baptiste Romé de L'Isle s'inspirera de lui pour classer... les cristaux.

Dans ses herbiers qui, au moment de sa mort, comptaient près de 20 000 spécimens, Linné utilisait des abréviations que, parmi d'autres, vous pourrez retrouver :
    
et comprendre,
tout comme son emploi des symboles astronomiques/alchimiques

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) admirait Linné et sa lettre dithyrambique, datant de 1771, restée célèbre, commençait ainsi : « Seul avec la nature et vous, je passe dans mes promenades champêtres des heures délicieuses, et je tire un profit plus réel de votre Philosophia Botanica, que de tous les livres de morale. »

Pour en savoir plus :

 "L'ordre souverain de la Nature"

 About Carl Linnaeus

 Pourquoi classer ?

 Carl von Linné (sur Wikipedia... mais en allemand)


N'en n'oublions pas pour autant :

beaucoup d'autres botanistes dont les noms vous apparaîtront, le plus souvent abrégés, après celui des binoms latins des fleurs et plusieurs d'entre eux dont la particularité était d'être, comme de Candolle, huguenots.
 

Michel Adanson, Arthur John Cronquist, Charles Robert Darwin, Augustin Pyramus de Candolle, Antoine Laurent de Jussieu, Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet de Lamarck, Carl von Linné, Juan Ignacio Molina, John Ray, Robert Brown, Joseph Pitton de Tournefort, Benoît de Maillet, Alfred Russel Wallace.